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Cette année nous fêtons les 110 ans de l’impôt sur le revenu.
L’idée d’un impôt sur le revenu remonte au XVIIe siècle, avec la capitation.
Sébastien Vauban, (Sébastien Le Preste, marquis de Vauban -1633/1707), propose en 1707 une dîme royale sur les revenus, dont le taux de prélèvement varierait de 5 à 10%. Mais son projet est enterré par Louis XIV.
Il faut attendre Léon Gambetta, en 1876, pour que l'idée d'un impôt général sur le revenu refasse surface, en complément des impôts et taxes habituels sur le foncier, les portes et fenêtres etc.
L'impôt unique
En 1906, Joseph Caillaux (député de la Sarthe), ministre des Finances dans le gouvernement de Georges Clemenceau, préconise un impôt unique sur l'ensemble des revenus sans distinction (salaires, retraites, revenus agricoles et industriels, rentes...), avec un taux de 4% pour les revenus fonciers, 3,5% pour les revenus industriels et 3% pour les revenus agricoles, avec seulement un abattement pour épargner les revenus les plus modestes. (Il y a déjà au moins un précédent en Allemagne, avec une loi de 1891 qui institue un impôt progressif sur le revenu des personnes physiques avec des taux de 0,6 à 4%).
Après des débats mémorables, le nouvel impôt est voté par la Chambre des députés (388 voix contre 129) le 9 mars 1909. Mais il est rejeté par le Sénat, qui a le souci de ménager son électorat rural. Pour le ministre des Finances, ce n'est que partie remise.
Retour de l'impôt
Devenu à l'automne 1913 le chef du parti radical-socialiste, Caillaux est donné vainqueur des élections législatives de mai 1914 avec dans son programme ce fameux impôt et également l'abolition de la « loi des trois ans » ou « loi Barthou », voulue par le camp adverse et son chef de file Raymond Poincaré.
La droite engage alors contre lui une campagne très dure, incluant la publication par Le Figaro de sa correspondance intime. Son épouse Henriette Caillaux, désespérée par la crainte du déshonneur, tue le directeur du journal, Gaston Calmette. Du coup, Joseph Caillaux se met en retrait de la politique afin de préparer la défense de sa femme au procès prévu du 20 au 31 juillet 1914 (Malgré son absence, son parti gagne comme prévu les élections avec le Bloc des gauches).
Vote de l'impôt sur le revenu
Le président de la République Raymond Poincaré obtient de la majorité parlementaire et appelle à la Présidence du Conseil, René Viviani, un socialiste indépendant, homme affable et nullement informé des affaires internationales.
Raymond Poincaré ne va pas avoir de difficulté à négocier avec lui un compromis sur la loi des trois ans et l'entraîner à ses côtés dans la course à la guerre.
Les députés du Bloc des gauches acceptent la loi Barthou du 19 juillet 1913 (service militaire de 3 ans au lieu de 2) et, en contrepartie, les sénateurs acceptent l'article de la loi des finances qui énonce : « Il est établi un impôt général sur le revenu ». Le débat s'ouvre au Sénat le 3 juillet 1914, quelques jours après l’attentat de Sarajevo, dont personne n'imagine encore les tragiques conséquences.
L’impôt progressif sur le revenu est adopté par la Chambre des députés le 15 juillet 1914.
Un impôt indolore
L'impôt progressif sur le revenu mis en place par la France en 1914 concerne tous les résidents. Selon l'article 8 de la loi : « Chaque chef de famille est imposable, tant en raison de ses revenus personnels que de ceux de sa femme et des autres membres de la famille qui habitent avec lui ».
C’est un impôt inédit est doublement révolutionnaire, par le fait qu'il touche tous les revenus (immobilier et foncier, industrie et commerce, agriculture) et qu'il est progressif (le taux d'imposition croît à mesure que le revenu imposable s'élève).
Le nouvel impôt présente un taux d'imposition de 2% sur la fraction du revenu supérieure à 25 000 francs/an, des 4/5e de ce taux sur la tranche du revenu comprise entre 20 000 et 25 000 francs, des 3/5e entre 15 000 et 20 000, des 2/5e entre 10 000 et 15 000, d'1/5e entre 5 000 et 10 000. La part du revenu inférieure à 5 000 francs/an n'est pas imposée. Chaque contribuable bénéficie aussi d'abattements pour les personnes à charge, etc !
Mais contrairement au souhait initial de Joseph Caillaux, cet impôt ne se substitue pas aux autres impôts directs, il vient en complément des « quatre vieilles » qui remontent à la Révolution : contributions foncière, mobilière, patente et impôt sur les portes et fenêtres. Ce dernier a aujourd'hui disparu tandis que les autres ont changé de nom. La patente est devenue taxe professionnelle, la contribution mobilière s'appelle taxe d'habitation et la contribution foncière est devenue taxe foncière.
Qui plus est, un impôt cédulaire s'ajoute le 31 juillet 1917, en pleine guerre, à l'impôt général sur le revenu. Il s'agit d'un impôt variable selon le type de revenu déclaré sur la « cédule » (feuille d'imposition) : bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux et revenus des valeurs mobilières. Il va disparaître en 1948.
L’IRPP
Un siècle plus tard, l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) a grossi jusqu'à représenter en 2013 70 milliards d'euros (Un quart des recettes de l'État mais à peine la moitié des recettes de la TVA.
L’IRPP, compte quatre tranches d'imposition avec des taux de 14, 30, 41 et 45%. (à peine 45% des foyers fiscaux paient encore cet impôt).
Utilité marginale et progressivité de l'impôt
Le principe de la progressivité de l'impôt dérive de la théorie de l'utilité marginale développée par Alfred Marshall (1842-1924) selon laquelle tout franc supplémentaire procure à son détenteur une utilité moindre que le franc qui l'a précédé. Les hauts revenus ont de ce fait une utilité marginale beaucoup plus faible que les bas revenus : le riche peut non seulement combler ses besoins vitaux mais aussi satisfaire des plaisirs tout à fait superflus et futiles tandis que le pauvre a tout juste assez de son revenu pour nourrir sa famille.
Un impôt strictement proportionnel au revenu reviendrait à enlever au riche seulement un peu de superflu et priver le pauvre de satisfactions vitales...
Si l'on veut donc que chaque contribuable soit également pénalisé par l'impôt, il faut que celui-ci soit proportionnellement plus élevé pour les hauts revenus.
Sources : Les amis d’Hérodote - Site Gouv.fr – ‘que sais-je’ : Histoire de l’impôt (Henry Laufenburger)