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Dans l’article ‘Les conquérants des cimes’, je n’ai pas parlé de Louis Lachenal, préférant lui consacrer une page afin de rendre hommage à celui que l’on surnommait Biscante. D’où vient ce surnom ? Du patois annécien « biscantin », le cidre nouveau, aigrelet, dont il remplissait sa gourde, ou pour son caractère pétillant.
En 1950, trois guides de la compagnie des guides de Chamonix, tous trois ‘étrangers’ : Louis Lachenal, Lionnel Terry, Gaston Rebuffat sont sélectionnés pour l’expédition française à l’Annapurna.
Qui atteint le premier le sommet de la ‘déesse des vents’ ? Lachenal ou Herzog ?
« Je savais que mes pieds gelaient, que le sommet allait me les coûter. Je ne devais pas mes pieds à la jeunesse française. Je voulais donc descendre. J’ai posé la question à Maurice de savoir ce qu’il ferait dans ce cas. Il m’a dit qu’il continuerait. Mais j’estimais que s’il continuait seul il ne reviendrait pas. C’est pour lui que je n’ai pas fait demi-tour. Cette marche au sommet n’était pas une affaire de prestige national, c’était une affaire de cordée. ». Ces lignes, ont été écrites par Louis Lachenal quelques jours avant sa mort au fond d’une crevasse de la vallée Blanche dans le massif du Mont Blanc, une fois libéré de son contrat de confidentialité imposé par les organisateurs de l’expédition en Himalaya. On est loin de la version décrite dans ‘Annapurna’, premier 8000, dicté par Maurice Herzog sur son lit d’hôpital amputé des doigts.
Durant près de quarante ans, de 1956 à 1996, la version officielle ne souffrira aucune contestation sur le vainqueur de l’Annapurna, Maurice Herzog. (D’autant qu’il avait pris sous sa protection l’épouse et les deux enfants de Louis Lachenal) « Herzog était chef par une décision du pouvoir et non par une suprématie alpine incontestée » … « Il avait un sens très réduit de l’organisation », écrivait également Lachenal. Ces lignes n’ont été rendues publiques qu’en 1996, lors d’une nouvelle réédition des ‘Carnets du vertige’, son autobiographie parue quelques mois après sa mort.
Michel Guérin, publicitaire reconverti dans l’édition de livres de montagne, rajoute les passages gênants dans cette nouvelle édition. La première ayant subi quelques sérieux coups de ciseaux de Maurice Herzog, qui avait confié à son frère Gérard le soin de retirer tout passage nuisant à la légende.
Le fils de Louis Lachenal prend conscience de la manipulation et bataille pour obtenir la restauration de la mémoire de son père. » La justice et les avocats s’en mêlent, parvenant à bloquer la commercialisation du livre. Huit ans après le décès de Maurice Herzog en 2012, une nouvelle édition de ce livre fondateur, avec les textes originaux, cette fois débarrassés des interprétations de Gérard Herzog, est rééditée.
Charlie Buffet (journaliste et écrivain, spécialiste de la montagne) avait arraché à Maurice Herzog un aveu qui avait fait date à propos de son compagnon de cordée : « Peut-être ai-je été injuste » (Libération, 24 mai 2000).
« L’idée n’est pas de relancer une polémique ancienne, mais bien de rendre justice à Louis Lachenal qui était un des plus grands alpinistes de son temps, un type gai, fiable et pas du tout la tête brûlée présentée par les Herzog ».
Louis Lachenal
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Alpiniste de renom, il nait le 17 juillet 1921 à Annecy. Dès son plus jeune âge, il est attiré par l’alpinisme et fait preuve de dispositions exceptionnelles.
Entrée à la compagnie des guides de Chamonix, il rencontre Lionel Terray et Quelques mois plus tard il rencontrera (par hasard dans un train à l’arrêt) Gaston Rébuffat. Avec Lionel Terray, il formera la cordée la plus unie qui puisse se concevoir. Une cordée de légende, surnommée ‘les Tigres’. Leurs plus importantes réussites : En 1945, la face Nord et la face Est du Moine. 1946 : quatrième ascension de l’éperon nord des Droites, en huit heures, alors que le meilleur temps réalisé auparavant était de 18 heures ; l’ascension de l’éperon nord de la pointe Walker des Grandes Jorasses en 2 jours avec une variante dans le haut, due à une erreur provoquée par le brouillard. 1947 : deuxième ascension de la face nord de l’Eiger, la face nord-est du Badile. Avec d’autres camarades, Louis Lachenal réussit de belles courses comme la face nord du Triolet.
Son exceptionnel virtuosité s’est manifestée également par des horaires incroyablement rapides lors de ses ascension, comme l’enchainement en une seule matinée de la Dent du Caïman et de la Dent du Crocodile avec André Contamine. Après l’Annapurna, le courage dont il fait preuve pour remonter la pente est au-dessus de tout éloge.
Jean-Claude Lachenal, son fils écrit au sujet de son père : « Mon père, ce héros, était un homme juste, droit, franc, généreux : n’a-t-il pas réduit à néant son avenir et sa carrière en demeurant avec son compagnon jusqu’au sommet de l’Annapurna, pleinement conscient des risques qu’il prenait pour lui-même vu la progression implacable des effets du gel ? Il pensait en effet que le laisser poursuivre seul l’ascension finale le condamnait à ne plus pouvoir revenir. » (Almanach des Pays de Savoie 2010 –N° 11, p. 54), et
Lionel Terray, l’ami fidèle : « Je peux contribuer, pour une modeste part à perpétuer le souvenir de celui qui fut le compagnon merveilleux des heures les plus ardentes de ma jeunesse et dont je ne crains pas de dire qu’il fut l’un des plus remarquables alpinistes de tous les temps. Comment évoquer avec des mots son regard perçant, empreint de la plus dure franchise, mais que venait à tout instant éclairer la flamme, parfois un peu malicieuse, d’une joie rayonnante ? Comment faire revivre avec de l’encre et du papier celui qui fut la vie même, tant il débordait de dynamisme, d’enthousiasme et de passion, et aussi d’une exubérance qui allait jusqu’à friser l’excentricité ?» (Revue Jeunesse et Montagne N° 28 de septembre 1956)
Le 25 novembre 1955, dans une descente à ski de la Vallée Blanche, au-dessus de Chamonix. Skiant en tête à grande vitesse, il disparait dans une crevasse dissimulée par un pont de neige. Son compagnon de ski, Jean-Pierre Payot l’évite de justesse. Son corps récupéré dans la nuit, tombé à 28 m de profondeur. Sa dépouille, ramenée à Chamonix, est veillée par ses compagnons de l’Annapurna, Maurice Herzog et Gaston Rebuffat.