19 mars 1962, fin d’une guerre « sans nom » : la « guerre d’Algérie »
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Occupée par la France en 1830, l'Algérie devient en 1954 le théâtre de la plus douloureuse guerre de décolonisation que connue la France. Résultat des maladresses gouvernementales, égoïsme obtus des colons européens, brutalités sans scrupules des indépendantistes musulmans.
Guerre d’indépendance
Le 21 juillet 1954, se termine la Conférence de Genève mettant fin à la guerre d’Indochine, (19 décembre 1946 -1er août 1954)
La défaite française en Indochine, encourage les indépendantistes algériens. Le 1er novembre 1954, près de Sétif, un bus est pris en embuscade, parmi les morts un jeune couple d’instituteurs venu de métropole, c’est les premières victimes du conflit. La « Toussaint rouge » passe presque inaperçue dans l'opinion française
Peu après Ahmed Ben Bella, un indépendantiste, créé au Caire le Front de Libération Nationale (FLN).
Pierre Mendès France, président Conseil, nomme le 25 janvier 1955, l'ethnologue Jacques Soustelle gouverneur général de l'Algérie Soustelle se rallie à la thèse radicale de l'intégration et prône l'octroi de la nationalité française pleine et entière à tous les habitants.
Les « fellagha » (coupeurs de route) du FLN multiplient les meurtres (notables musulmans favorables à la présence française), Le FLN ne pouvant obtenir la population musulmane en leur faveur, s'en prend aux Européens.
Les massacres de Philippeville, (20 août 1955,) vont faire prendre un tournant à cette guerre. Le 23 août, le gouvernement, maintient sous les drapeaux le premier contingent de 1954, rappel le demi-contingent libéré en avril.
Guy Mollet (socialiste), accédant à la présidence du Conseil en février 1956, annonce des réformes de structure et rappelle Jacques Soustelle. Conspué par la population lors de sa visite à Alger, le 6 février 1956, (la « journée des tomates »), Guy Mollet revient à une politique de répression.
La rébellion.
En avril et mai, les classes 1951 à 1954 sont partiellement rappelées. En juillet 400 000 hommes dont une moitié de musulmans algériens (harkis, tirailleurs...), sont engagé dans le conflit. Cette répression brutale fait basculer dans le camp de la rébellion de plus en plus de musulmans.
Le FLN, à peine cinq cents hommes à la « Toussaint rouge », sont maintenant plus de quinze mille. Il s'en prend aux villes, où vivent la plupart des « pieds-noirs », ce qui ouvre le cycle des représailles aveugles.
Le 10 août 1956, une bombe est déposée dans la Casbah d'Alger par un groupe de pieds-noir (70 morts).
Le 30 septembre, deux bombes déposées par des jeunes femmes musulmanes explosent à Alger (l’une au Milk Bar, place Bugeaud, l'autre à la Cafétéria, rue Michelet).
Le gouvernement désespéré de ces attentats aveugles donne au général Jacques Massu (7 janvier 1957), les pleins pouvoirs de police sur le « Grand Alger » (800 000 habitants dont la moitié de musulmans).
Les parachutistes de Massu, malgré les arrestations, les exécutions sommaires et les tortures, pensent avoir gagné en neuf mois la « bataille d’Alger » ... Mais pas la guerre d’Algérie !
Lassitude de l'opinion publique métropolitaine.
Le général Maurice Challe succède (12 décembre 1958), au général Raoul Salan à la tête des forces stationnées en Algérie. Il arrive à anéantir presque complètement les indépendantistes à Alger et dans le djebel (la montagne).
Les chefs du FLN réfugiés à l'étranger n'en poursuivent pas moins leurs actions. L’opinion publique métropolitaine se lasse de la guerre. Le gouvernement, convaincu de l'incapacité de garder au sein de la République l'Algérie, décide de négocier avec les indépendantistes « modérés ».
Le 13 mai 1958, amène au pouvoir le général de Gaulle. Les « pieds-noirs » d’Alger sont inquies. Suite à leur révolte le général leur promet d'une manière évanescente de leur donner satisfaction.
La paix des Braves.
Ne trouvant aucun interlocuteur modéré au sein du FLN, de Gaulle propose la « paix des Braves » le 23 octobre 1958 avant de consentir à l'autodétermination le 16 septembre 1959 sans avoir obtenu une quelconque concession.
Ce double jeu suscite d'ultimes sursauts de violence dans les deux camps, chez les indépendantistes comme chez les partisans de « l’Algérie française ».
Le 8 janvier 1961 se tient le référendum sur l'autodétermination où 75% des Français approuvent la politique du général de Gaulle.
Le putsch d’Alger
Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, quatre généraux français, André Zeller, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et Maurice Challe, tentent de soulever les militaires stationnés en Algérie et les Pieds-noirs, pour maintenir l'Algérie à l'intérieur de la République française. Le putsch, va échouer en quatre jours.
Les accords d’Evain
Après deux années de contacts et de négociations secrètes et 11 jours de pourparlers au bord du lac Léman, les accords d’Évian sont signés par Louis Joxe, ministre français chargé des affaires algériennes et Krim Belkacem, colonel de l’Armée de libération nationale, au nom du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) le 18 mars 1962.
C’est la fin d’une guerre « sans nom » : la « guerre d’Algérie »
Régler le conflit
Le document comporte 93 pages. Il décrète un cessez-le-feu qui rentre officiellement en vigueur le lendemain 19 mars. Le texte prévoit l’organisation rapide d’un référendum afin que les populations "choisissent leurs destins".
Le 8 avril, les Français approuvent à une très large majorité (90,81%) les accords d’Évian.
En Algérie, le référendum d’autodétermination se déroule le 1er juillet 1962 (les Français d'Algérie étant exclus du scrutin). Le "oui" l’emporte à 99,72% des suffrages exprimés. Le 5 juillet, l’Algérie est indépendante.
Préparer l’avenir (texte des accords)
- "Les relations entre les deux pays seront fondées, dans le respect mutuel de leur indépendance, sur la réciprocité des avantages et l'intérêt des deux parties”, précisent les signataires.
- "L'Algérie garantit les intérêts de la France et les droits acquis des personnes physiques et morales dans les conditions fixées par les présentes déclarations. En contrepartie, la France accordera à l'Algérie son assistance technique et culturelle et apportera à son développement économique et social une aide financière privilégiée".
- La France s’engage ainsi à évacuer progressivement ses troupes et à maintenir son aide économique pendant trois ans, en échange de la préservation de certains de ses intérêts comme la poursuite de l’extraction du pétrole et du gaz par des sociétés françaises.
- Les Européens restés en Algérie doivent décider soit de rester français soit de demander la nationalité algérienne dans un délai de trois ans
- Aucun Algérien "ne peut être contraint à quitter le territoire ni empêché d'en sortir" et que la sécurité des personnes et des biens des Français d'Algérie sont garanties.
Le texte inclut des considérations militaires comme la libre disposition de la base navale de Mers-el-Kébir, plusieurs aérodromes algériens, la poursuite des expériences nucléaires, et le maintien de plusieurs dizaines de milliers de soldats français sur le sol algérien.
Réconcilier les mémoires
Le 19 mars n’est pas synonyme de paix pour tous.
Soulagement pour des millions de Français de voir cette guerre cesser, aboutissement de la lutte pour l’indépendance pour les Algériens, ces accords sont également synonymes d’exode et de douleur pour les Français et les Européens d’Algérie (La valise où le cercueil).
Colère et désillusion pour les partisans de l’Algérie française et les antigaullistes,
Exaspération de l’OAS (Organisation de l’armée secrète) qui veut garder "l’Algérie française" en multipliant des actions violentes après le 18 mars, sur les territoires algérien et français (Attentat du Petit-Clamart le 22 août 1962).
La guerre se poursuit "pendant des mois", affrontements et exactions (fusillade de la rue d'Isly à Alger le 26 mars 1962, enlèvements et assassinats de harkis (civils algériens utilisés comme supplétifs de l'armée française) à partir de l'été 1962 et d'Européens à Oran le 5 juillet de la même année.
La date du 19 mars 1962 est pour les 1,5 million de jeunes hommes qui sont allés en Algérie, la fin des épreuves, le retour en métropole dans les familles et son travail.
Les +
La guerre sans nom
Pendant 45 ans, l’État français s’obstine à ne désigner ce conflit que par les termes « d’opérations de maintien de l’ordre ». Il faudra attendre le 18 septembre 1999 pour que l’expression « guerre d’Algérie » soit officiellement adopté par la France.
Le sort des putschistes
Le général de Gaulle qualifie les putschistes d’« Un quarteron de généraux à la retraite »
D’autres généraux ont participé à ce putsch (Paul Gardy, Jacques Faure…), le général Massu, reste à l’écart, après s’être vu proposer le rôle de chef.
Le Haut Tribunal militaire condamne Challe et Zeller à 15 ans de réclusion.
Les généraux l Salan et Jouhaud s'enfuient et poursuivent leur action au sein de l'OAS.
Arrêté le 24 mars 1962, Jouhaud est condamné à la peine de mort. Sa peine de mort est commuée en peine de détention à perpétuée le 28 novembre 1962, après avoir passé plus de sept mois dans une cellule de condamné à mort.
Salan, (le militaire le plus décoré de France et un état de service de 1914 à 1960), est arrêté le 20 avril 1962, jugé le 15 juin, est condamné à la perpétué.
Sanctions militaires
220 officiers sont relevés de leur commandement, 114 sont traduits en justice. Le groupement des commandos de l'air ainsi que trois régiments ayant pris part au putsch sont dissous par ordre du chef de l'État.
L'état-major d'autres régiments est dissous et reconstitué. Environ un millier d’officier hostiles à la politique du gouvernement ou par solidarité avec les putschistes démissionnent (30% des officiers d’active de l’armée française).
Amnistie
Maurice Challe et André Zeller sont amnistiés et réintégrés dans leurs dignités militaires sept ans sept ans après leur condamnation.
Amnistié en juillet 1968, Edmond Jouhaud, réintègre l’armée et devient le président d’honneur du « Front national des rapatriés ».
Il en est de même pour Raoul Salan, gracié en juillet 1968.
Les généraux putschistes encore vivants son réintégrés dans l’armée (corps de réserve) en novembre1982, par une loi d’amnistie.