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21 février 2024 3 21 /02 /février /2024 22:01

Être français ne tient pas à l’origine, à la religion, au prénom, mais à la volonté.

Lettre de M. Manouchian à sa femme

Au jourd’hui, 21 février 2024, l’entrée au Panthéon de Missak (Michel) Manouchian et son épouse, symbolise « l’acte de reconnaissance’ de la résistance communiste et des étrangers mort pour la France.

23 autres résistants, fusillés comme lui par les nazis ce 21 février 1944 au Mont Valérien sont également honorés, leurs noms gravés dans le caveau où les Manouchian repose.

 

L’armée du crime

Nous sommes le 21 février 1944, les murs de Paris se couvrent de 15 000 grandes affiches rouges, elles exposent à la vindicte des Français dix hommes auxquels il est reproché plusieurs dizaines d'attentats sous couvert de libération.

Cette affiche complète la publication d'une brochure intitulée « L'Armée du crime » dans le cadre d'une campagne de propagande antisémite et xénophobe orchestrée par les nazis.

Cette « armée du crime » compte sept juifs dont quatre nés en Pologne et trois en Hongrie, un natif d'Espagne, un autre d'Italie, le dernier enfin d'Arménie.

Le même jour, ces résistants ainsi que douze autres compagnons d'infortune ont été fusillés au mont Valérien.

Joseph Epstein, (chef militaire des FTP pour la région parisienne) dit colonel Gilles, juif de Pologne, arrêté en même  temps, jugé est fusillé, en toute discrétion,  le 11 avril 1944. Quant à la seule femme du groupe, Olga Bancic (32 ans), juive de Bessarabie, sera guillotinée à Stuttgart le 10 mai 1944. Tous, Français ou étrangers, sont communistes et appartiennent aux Francs-tireurs et partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI).

Comme tous les condamnés, Missak Manouchian est autorisé à écrire une lettre d'adieu à la personne de son choix. Cet apatride, (il avait demandé deux fois la nationalité française, qui fut refusée à chaque demande), écrit à sa femme une lettre bouleversante d’humanité.

 

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,


Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.

Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps

Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.

Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mon souvenir si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel (I
l signe la lettre de son prénom francisé, Michel).

 

Mélinée Manouchian

À la Libération, elle regagne l'Arménie soviétique avant de se faire rapatrier en France en 1954. Jusqu'à sa mort, le 6 décembre 1989 (76 ans), elle cultivera la mémoire de son époux et de leurs compagnons de résistance (sans se remarier comme l'y invitait Missak).

 

Le dernier survivant du groupe Manouchian, Arsène Tchakarian, est mort le 6 août 2018, après avoir survécu au génocide arménien et à la répression nazie. (Voir article ‘le dernier FTP’ du 15 août 2018).

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