Un certain 21 avril 1944
Il y a 80 ans, les femmes obtenaient le droit de vote en France. Alors que la France a été l’un des premiers pays à instaurer le suffrage universel masculin (1848), ce droit n’est étendu aux femmes qu’en 1944.
Un peu d’histoire
Les premières revendications féministes émergent à la Révolution française, notamment sous la plume de Condorcet qui se prononce pour le vote des femmes dans un article du « Journal de la société de 1789 ». Mais son projet de conférer aux femmes des droits civiques n’aboutit pas.
En réponse à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, du 26 août 1789, Olympe de Gouges, femme de lettres et égérie politique rédige en 1790, une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. » (Article 10). Le texte d’Olympe de Gouges est refusé par la Convention. Son texte tombe dans l’oubli et il faut attendre 1986 pour que l’écrivaine Benoîte Groult le fasse connaître dans son intégralité.
Le Gouvernement provisoire de la IIe République instaure le « suffrage universel » masculin, le 5 mars 1848.
En 1904 est créée « L’Alliance internationale pour le suffrage des femmes », et en 1914 un plébiscite féminin organisé par les suffragistes réunit 505 972 oui pour le vote des femmes.
Après avoir durement travaillé pour remplacer les hommes partis au front durant la Première Guerre mondiale, en 1919, les femmes réclament le droit de vote. La Chambre des députés adopte alors pour la première fois une proposition de loi instaurant le vote des femmes, par 329 voix contre 95. Mais le Sénat refuse d’examiner cette proposition de loi (par 156 voix contre 134). Ce rejet se renouvellera en 1925, 1932 et 1935.
Le 4 juin 1936, alors même qu’elles ne sont ni électrices ni éligibles, Léon Blum nomme trois femmes sous-secrétaires d’État : Cécile Brunschvicg à l’Éducation nationale, Suzanne Lacore à la Santé publique et Irène Joliot-Curie à la Recherche scientifique.
Le 30 juillet 1936, la Chambre des députés se prononce à nouveau pour le vote des femmes, par 495 voix contre 0. Mais le Gouvernement s’abstient, et le Sénat encore une fois n’inscrit pas ce texte à son ordre du jour.
Le 23 juin 1942, le général de Gaulle déclare : « Une fois l’ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays. »
Au sortir de la seconde guerre, c'est la participation des femmes à la résistance qui va être un argument de poids en faveur du vote féminin : on ne peut pas refuser des droits politiques à des femmes qui se sont battues contre les nazis.
Le Sénat, qui bloquait jusqu’alors toute évolution, n’existe plus. Il aura fallu ces circonstances très exceptionnelles pour que les Françaises puissent voter grâce à l’ordonnance du 21 avril 1944.
Le droit de vote aux femmes, une proposition communiste
Si c’est bien le général de Gaule lui qui a signé l’ordonnance du 21 avril 1944 instaurant le droit de vote des femmes, cette décision n’a pas été prise par lui tout seul, mais collégialement par l’assemblée consultative d’Alger, par un vote.
La proposition d'étendre le droit de vote aux femmes est d'ailleurs avancée par un communiste, Fernand Grenier. Au départ, le texte ne prévoyait que d'instaurer l'éligibilité des Françaises. Fernand Grenier propose d'y ajouter le droit de vote. Cela donnera (article 17) : « Les femmes sont éligibles et électrices dans les mêmes conditions que les hommes ». Le texte est voté par 51 voix contre 16. Les femmes deviennent enfin électrices et éligibles, comme les hommes.
Les Françaises votent donc pour la première fois les 29 avril et 13 mai 1945, à l’occasion des élections municipales.
Quelques mois plus tard, le 21 octobre 1945, elles participent au référendum et aux élections à l’Assemblée constituante organisés simultanément par le général de Gaulle.
À la question du référendum, « Faut-il une nouvelle Constitution ? », les Françaises et les Français se prononcent à plus de 96 % pour l’abandon des institutions de la IIIe République et l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Sur un total de 586 représentants, 33 femmes sont élues à la première Assemblée constituante.
La longue marche vers l’égalité
La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu’aux hommes.
En Australie, les femmes peuvent voter depuis 1901. La Finlande a emboîté le pas en 1906 suivis par la Norvège en 1913, le Danemark en 1915 puis l’Allemagne en 1918. En 1920, ce sont les Etats-Unis qui autorisent le vote pour les femmes et le Royaume-Uni le rend accessible en 1928.
La France mauvaise élève sur les droits des femmes
En comparaison avec d’autres nations, la France a fait pendant longtemps office de mauvaise élève sur la question des droits des femmes et de l’accès au vote. Madeleine Braun sera la première femme élue vice-présidente de l’Assemblée nationale en 1946, Marie-Madeleine Dienesch la première femme présidente de commission en 1967, et Denise Cacheux la première questeure en 1986.Il faudra attendre 1965, soit vingt ans après l’obtention du droit de vote, pour que les femmes puissent ouvrir un compte bancaire et exercer un emploi sans le consentement de leur mari.
Au mitan des années 2010 grâce aux lois sur la parité, la représentation des femmes plafonne à 38,7 % à l’Assemblée, 36 % Sénat et on n’en compte que 22 % parmi les maires.
La longue marche vers l’égalité a été lente et rude : le vote était une chose, le rôle en politique en était une autre.
C’est d’ailleurs au général de Gaulle que l’on attribue la fameuse injonction méprisante : « Un ministère de la Condition féminine ? Et pourquoi pas un secrétariat au Tricot ?»
Le même homme qui a accordé aux femmes le droit de vote.
Sources : Légifrance – Chemins de mémoire - Libération